Les Pèlerins d'Yssel

Les Pèlerins d'Yssel

vendredi 21 décembre 2012

L'hiver du temps et de l'esprit.

    L'hiver est un topos littéraire récurrent et très utilisé dans la fantasy. Ce n'est pas une mode mais bien un procédé d'écriture, que j'ai moi-même choisi d'adopter assez naturellement. Il y a quelque chose de subversif à commencer une histoire par la fin de l'année, comme si celle-ci devait s'éterniser, comme si l'avenir devait se dérober sans cesse sous les pas épuisés des personnages. La sage des Pèlerins d'Yssel débute quasiment au moment du solstice. Faut-il y voir un parallèle avec ma propre vie, à moi qui suis née un 21 décembre ?

    Dans l'usage et l'imaginaire médiéval, l'hiver est la saison du repos, pour la nature, mais aussi pour les hommes. Les conflits armés sont censés être mis entre parenthèses, car les seigneurs ont combattu pour leur suzerain pendant quarante jours en été. Mais de nouveaux ennemis menacent la quiétude des habitants : l'hiver est le royaume des bêtes qui rapinent, que ce soient les loups, les corbeaux ou les pillards. De nouveaux dangers guettent la population, plongée dans l'incertitude. A la Cour du roi, les intrigues se resserrent à cause de la promiscuité des courtisans. Saison du secret, l'hiver est le théâtre des forces obscures et perverses qui sommeillent en chacun de nous ; elle nous rappelle également ces choses qui nous échappent, qui sont hors de notre volonté, et que l'on aurait préféré oublier pour toujours. L'hiver est la préfiguration des Temps Obscurs. C'est en quelque sorte le moment où s'ouvre la boîte de Pandore et où se répandent sur le monde la mort, la faim, la maladie. Oui, c'est là, pendant la morte saison, que les pires cauchemars prennent vie !

   Période de froid, de tristesse, de regret et de deuil, l'hiver est en accord avec l'état d'esprit de mes personnages, qui débutent cette histoire "la mort dans l'âme", accablés par la perte d'êtres proches, ou par l'adieu à une période dorée de leur existence. La lumière est faible, ainsi que l'est celle d'Yssel, la reine des Etoiles tant adorée par les humains. L'espoir s'amenuise autant que les ressources. L'horizon est bouché par les nuages, les chemins sont effacés par la neige : les personnages sont en perte de repères et manquent de recul sur ce qu'ils vivent. Les difficultés à voyager et à transmettre d'un bout à l'autre du royaume les informations tendent à rompre les liens sociaux et à pousser héros et cités à l'isolement, et donc à se débrouiller seuls face à l'adversité. Et pour vous mettre dans cette ambiance mélancolique, voire déprimante, mais parfaitement accordée à cet état d'esprit (passager), voici le sublime "Fighting for a lost cause" d'Antimatter.


    L'hiver est évidemment donc symbole d'introspection psychique ; tout comme la nature se replie sur elle-même pour mieux se déployer au printemps, adultes endeuillés et jeunes adolescents se retirent en eux-mêmes pour puiser au fond de leur soi profond la force de surmonter les épreuves imposées par la Vie. D'autres font encore le bilan de leur existence afin de mieux recommencer un nouveau cycle. C'est aussi l'occasion pour le prince-servant Haert de renforcer son pouvoir et de juger les conséquences de ses actes. L'hiver et ses tourmentes sont également propices aux romantiques et aux intellectuels qui rêvent et se cultivent au coin du feu ; c'est à cette époque que chez les lunarels se fomentent les rébellions parmi ceux qui ont trop le loisir de penser à leur désir de vivre insatisfait. Comment ne pas être avide de liberté lorsque les intempéries vous contraignent à vivre cloisonné ?
Bienvenue en Outre-Ezar !

   En Outre-Ezar, duché en marge du royaume d'Abhorn, l'hiver a une place particulière pour les habitants. Un dicton déclare : "L'Outre-Ezar a deux hivers, l'un rude, et l'autre pire." Cela n'augure rien de bon pour la poursuite de l'aventure... C'est dans cette région très peu hospitalière que deux de mes personnages, Moéva d'Arézar et le premier-chevalier Brillian, sont nés. L'histoire les fait revenir chacun sur les terres de leur naissance, tout comme ce roman m'a fait revenir sur l'origine de mon désir d'écrire et de mon imaginaire. Lorsque Brillian et Moéva parcourent à cheval les étendues enneigées, impossible d'avoir autre chose en tête que cette superbe chanson du groupe Anathema : "Kingdom" (ancienne version). Ce morceau s'illustre particulièrement par une magnifique montée en puissance, idéale pour accompagner l'action de mon roman !

   Saison sombre, mélancolique et dangereuse, l'hiver est donc le prélude inévitable à une possible fin du monde. Et non, dans mon monde, il n'y a ni fêtes ni distribution de cadeaux, hélas ! Cette saison est le reflet de l'intériorité de mes personnages, un prétexte pour les bousculer et les mettre à nu. Connotée négativement, cette période froide et stérile ne trouve grâce aux yeux de ses détracteurs que lorsqu'elle finit... Si elle finit un jour...


Merci pour votre lecture et votre écoute.
Très bon hiver à tous et à toutes, et à très bientôt !

vendredi 30 novembre 2012

Pendant ce temps... au temple de Lunel

     
Un mois que le premier tome des Pèlerins d'Yssel est publié sur la plateforme Kindle ! Déjà une douzaine de ventes ! Youhou !

     Pour fêter l'événement, remercier mes lecteurs, mes abonnés et tous ceux et celles qui me soutiennent, qui aiment et croient en mon œuvre, mais aussi pour encourager d'autres futurs fans à me lire : voici un nouvel extrait rien que pour vous !
     Encore merci pour vos achats, vos partages et vos encouragements !


     "Un rideau blanc cachait l'intérieur du temple aux regards de l'extérieur. Saerra disparut derrière celui-ci.
Restée dehors, la guerrière observa la curieuse façade. Les murs lisses étaient tachés de motifs colorés sur environ deux mètres cinquante de hauteur depuis le sol. A y regarder de plus près, on découvrait avec stupeur des traces de mains d
e toutes tailles, sous lesquelles étaient gravés les prénoms de leur propriétaire. Chaque nom était précédé d'un cercle s'il s'agissait de celui d'une femme, d'une croix s'il s'agissait d'un homme, et d'un nombre qui indiquait l'âge ; il était aussi terminé par un nombre désignant l'année de la marque et du sigle de la profession de la personne. Les traces de main à mi-hauteur du mur étaient les plus anciennes ; toutes ces dates-là remontaient à plus d’un siècle. Les noms étaient presque illisibles pour la plupart. Moéva s’en désintéressa et leva les yeux. En haut de la fresque, [...] Faena, Da… Moéva sentit son cœur se contracter dans sa poitrine glacée ; elle cligna des yeux. Son souffle se tarit dans sa gorge. Par Callios… Faena, vingt-quatre ans, Dame d'Yssel, avait marqué le temple de son empreinte quatre mois auparavant. Avant de s'embarquer pour Sinabel, avant d'y laisser sa vie, broyée sous le poids de son propre cheval convulsé et dévoré par les flammes, elle avait trempé sa main gauche, celle avec laquelle elle avait dégainé son épée en chargeant l'ennemi, dans de la peinture bleue : le pouce tendu, les doigts écartés. Quand on l'avait extraite des cendres, ils étaient rétractés… Moéva serra les dents, les yeux voilés de visions macabres. A son réveil de Sinabel, elle avait tenu à ce qu'on lui raconte le sort de chacune de ses sœurs d'armes tombées au champ d'honneur. Et comme il en avait été dans les Ravins-Argent, il en était de même sur la façade du temple : Shakil côtoyait son amie d’enfance Faena. Les triplées Mabae, Ladenne et Nayab, formaient un triangle étroit, doigts tournés les uns vers les autres, tels le furent leurs yeux vides quand on les voila. Pamara la solitaire se tenait à l'écart de toutes. Et Mirlia, l'insatiable amante, avait posé sa marque à moitié sur celle d'un homme inconnu, comme la veille de la bataille, à un comptoir d'auberge…
     – Madame ? Allez-vous bien ? répéta la fille d’Ogrard.
     Debout au seuil du temple, Saerra sentit son corps frissonner d'inquiétude. La guerrière était face au mur, le bras tendu en hauteur et la joue collée contre le mur ; elle lui tournait le dos et donnait l'impression que ses jambes allaient fléchir et se dérober sous elle d'une seconde à l'autre. De sa main tremblante, elle effleurait les paumes peintes comme si celles-ci allaient la brûler.
Extraite de ses pensées par la voix de la jeune fille, Moéva laissa lâchement tomber son bras le long de son corps et se retourna d'un bloc. Sa minute de faiblesse était passée. Son visage impassible et son regard implacablement digne heurtèrent la lunarelle qui, mal à l'aise, s'essuyait frénétiquement les mains dans un chiffon humide. Plus exactement, sa main droite était couverte de peinture verte. Moéva fronça les sourcils ; elle posa de nouveau sa main sur le mur et demanda :
     – Qu'est-ce ceci ? Que signifient ces marques ?
     Surprise par la voix de la guerrière, étrangement calme et presque emprunte de douceur, Saerra balbutia :
     – Ce sont des preuves d'existence… Une main pour un individu. Pour chaque victime de la folie humaine. Ceux qui partent, avec dans leur cœur l'ombre de la mort prochaine, viennent ici pour que le monde témoigne de leur vie et de leur souffrance.
    Moéva tourna son regard vers les traces des mains de ses anciennes sœurs d'armes. On prétendait que les lunarels possédaient un sixième sens qui les avertissait à l'avance de leur mort. Mais qu'en était-il de la petite Saerra ? Quel réel et sombre pressentiment l'avait conduite à apposer son empreinte sur le temple ? Ce voyage jusqu’à Fort-Tombes était une folie, Moéva le savait pertinemment. Saerra en savait davantage. La guerrière scruta cette dernière au fond des yeux ; les reflets apeurés qui troublaient les iris argentés ne lui apprirent rien de plus."
Les Pèlerins d'Yssel, tome1 : Les Pécheurs, chapitre 4, Adieux et Rapière.



samedi 3 novembre 2012

Le choix de l'auto-édition.

     Mais pourquoi s'auto-éditer et publier sur le net ?

    Parce qu'il faut bien se lancer un jour et profiter des opportunités que nous offre la vie et les nouvelles technologies. Si l'on ne peut franchir un obstacle, il faut le contourner. Le numérique, c'est l'idéal pour se commencer en tant que jeune auteur.
     Car il ne faut pas se leurrer, lorsque vous n'êtes pas connus, les maisons d'éditions ne dépensent rien pour faire votre promotion. De plus, elles se permettent de modifier votre œuvre sans vous demander votre avis, ne vous fournissent aucun détail clair de vos ventes et des accords passés avec les libraires, et comme elles possèdent votre œuvre, si celle-ci est rachetée, vous ne touchez aucun pourcentage sur la transaction !
    Amazon n'étant qu'un distributeur, je reste maître de mon œuvre et de son prix. Il m'est très simple d'en mettre à jour le contenu, afin de corriger une coquille par exemple. Quant aux aspects juridiques : aucune embrouille, aucune emmerde (pardonnez-moi l'expression), il suffit d'une lettre recommandée pour clore le contrat.

    Avant de savoir tout cela, j'ai quand même essayé de me trouver un éditeur. Après avoir bien protégé mon œuvre, j'ai contacté toutes les maisons d'édition spécialisées dans la fantasy et le médiéval-fantastique en France (sauf une célèbre en qui je n'avais pas... confiance, par rapport notamment à mon expérience lors du Salon du Livre à Paris). J'ai attendu patiemment que les délais de réponses soient écoulés (entre 3 et 6 mois) avant de me lancer en numérique. 
    Sur 15 maisons à qui j'ai envoyé mon manuscrit, j'ai eu 4 réponses : 2 m'ont signalé poliment que mon roman n'était pas dans la veine de ce qu'elles recherchaient actuellement (Ah, bon ? Hum... Bah, au moins elles n'ont pas dit clairement que c'était nul ^^) et 2 autres se sont montrées enthousiastes quant au potentiel commercial de mon œuvre, et m'ont directement envoyé un contrat mais sans garantie de publier la suite de l'histoire, et en plus je devais payer de ma poche entre 3500 et 3800 € pour les frais de couverture, de maquette et de correction (aaaarg !). J'avoue avoir envoyé mon manuscrit à ces 2 maisons-ci par erreur ; si je n'ai pas retenu leur option pour publier mon œuvre, que celle-ci ait attirée l'attention d'un comité d'édition m'a mis du baume au cœur. Mais pas à ce prix ! Je me suis déjà ruinée pour finir ce livre et le diffuser auprès des éditeurs, ça suffit ! 

    Toujours pour des questions financières, j'ai fait mon petit calcul par rapport au revenu qu'apportent les droits d'auteur entre les publication papier (entre 8 et 12%) et numérique (70%). Et bien, si je vends mon roman sur le net au prix du livre de poche papier, je gagne tout de même un peu plus que si le même roman était édité en livre grand format, comme cela se fait toujours lors d'une première édition ! Ainsi, sur Kindle, le lecteur achète mon roman moins cher et je gagne plus ! Incroyable, non ?
   Et maintenant, avec Creatspace d'Amazon, il sera bientôt possible d'obtenir une version imprimée et brochée de mon œuvre ! Tout ce qui me manquait pour conquérir un plus large lectorat de passionnés et de mordus de papier !

    Je remercie Vincent, mon cher et tendre, et Déborah, ma sœur adorée, pour leur enthousiasme et leur soutien sans faille. Je vous aime, tous les deux. Merci !

    J'espère que la lecture de mon roman vous apportera de bonnes choses et que vous serez impatient de lire la suite. Mille bisous et portez-vous bien !

Petit bonus :


    Lorsque j'ai reçu ma seconde réponse "négative", j'avais cette musique dans les oreilles et le refrain "take your chance, you, stupid girl" ainsi que les paroles "what are you waiting for" ont été pour moi une révélation, une véritable synchronisation angélique. Ma décision définitive de publier sur le net a été prise à ce moment-là. Pourquoi attendre en effet ?

mercredi 3 octobre 2012

"Comment tu fais pour écrire ?"

    On me demande toujours : "Comment tu fais pour écrire ?".

   Et bien avant d'écrire, je rêve beaucoup. Je rêvasse, je m'évade, je m'émerveille. Je travaille ainsi des scènes, des dialogues, je construis mon univers, j'organise et distribue les émotions qui me viennent, puis je prends des notes quand je tiens quelque chose qui "pulse". Mes lecteurs/correcteurs me disent que j'ai une écriture très cinématographique. Outre mes lectures et la musique, en tant qu'enfant du siècle il est évident que je suis influencée aussi par les images qui courent sur nos écrans de télé et d'ordi.

     Lorsque j'attaque l'écriture, je commence par créer un dossier par livre, puis un fichier word par chapitre. Dans chacun, je couche l'intrigue en prises de notes, je recopie ce que j'ai écrit sur papier et fais un tri. J'ai ainsi plusieurs romans en attente. Au moment de la rédaction, je ne crains donc pas le "vertige de la page blanche". J'organise les différents passages selon les personnages et les contraintes spacio-temporelles. Puis je crée les dialogues ainsi qu'ils découlent de mon esprit pour leur donner un côté vivant et percutant. Je rédige ensuite l'action et les descriptions (le corps de l'histoire) au fil de la plume et en essayant de suivre le déroulement du chapitre, puis je comble et améliore les dialogues en fonction.
     Je suis toujours fascinée lorsqu'au fil de l'écriture, l'un de mes héros décide de prendre une autre direction que ce qui était prévu dans mon plan initial. Mes personnages tombent amoureux ou se détruisent sans que cela soit ma volonté de départ : mon inconscient me parle à travers eux. En tant que créateur, il est parfois amusant, mais le plus souvent déroutant, de voir que mes créatures se rebellent et s'approprient mon roman, qui devient leur histoire : ils vivent par eux-mêmes, toujours avec justesse. Je renonce parfois à vouloir suivre mon plan originel à tout prix ; je décide de me faire confiance et de suivre mon instinct créatif. Au fur et à mesure que je déroule la pelote de mon imaginaire, j'explore les méandres de mon esprit fécond et je découvre les trésors de ma vie psychique : je leur donne vie dans mon histoire.
    Lorsque je termine un chapitre, je le corrige une première fois sur word, puis une deuxième fois sur papier. Ensuite je le soumets à mon correcteur / contrôleur réalisme / premier fan : mon compagnon. Suivant ses avis et après de nouvelles modifications, je confie mon manuscrit complet à quelques amis qui font office de béta-lecteurs, de correcteurs et de critiques. Prenant en compte leurs modifications, je corrige une dernière fois mon œuvre en entier avant de l'éditer. Malgré ce travail, il m'arrive de découvrir encore avec horreur de nouvelles coquilles. Hélas, mes lecteurs/correcteurs - de vrais lettrés de par leurs études et leur profession - m'ont fait exactement le même retour : sur un tel volume de pages, il est difficile de s'atteler à une correction rigoureuse lorsque l'on est plongé dans un univers fantastique fascinant et transporté par une histoire aussi captivante ! Je suis désolée si cela nuit à votre lecture et je vous assure de mes efforts pour améliorer mes œuvres. 

     Pour m'aider dans la rédaction j'ai créé un fichier spécial coordination spacio-temporelle : un tableau qui me permet de visualiser où sont mes personnages et ce qu'ils font en parallèle les uns des autres. De nombreux héros œuvrent au cœur du royaume ou en marge, et le réalisme du temps des actions ou des trajets est pour moi une chose très importante.
   Afin de m'orienter dans les univers que je construis, j'ai dessiné une carte géographique à main levée. Mesurer la distance entre les villes et les lieux m'aide à affiner la coordination des personnages et des événements. L'illustratrice Clémence de Chambrun s'est proposée de redessiner ces cartes afin que je puisse les intégrer à mes formats papiers (je pense que nombre de lecteurs louerons cette initiative) ; nous travaillons encore sur ce projet à l'heure actuelle.
    J'ai également mis en place une frise chronologique générale pour organiser les événements ayant eu lieu sur plus de deux-mille ans, de manière à plonger le lecteur dans un vrai monde ayant déjà eu une histoire avant le temps du roman. J'attache beaucoup de soin à la création de mon univers et à sa cohérence, car celles-ci influent sur les actions des personnages et leur psychologie ; les descriptions architecturales et les digressions historiques contribuent énormément à l'ambiance dans les villes, notamment dans la vieille capitale de Castelclayr. Pour donner envie de lire à un lecteur, je pense qu'il faut lui laisser la liberté de s'approprier le roman, en faisant à son tour travailler son imagination. Suggérer un monde immense plutôt que de le décrire, donner faim plutôt que de rassasier, est pour moi une obligation. De la même manière que je ne pourrais jamais explorer toute ma psyché en une seule vie, aucun de mes romans ne sera décrit en entier, aucune de mes histoires ne sera totalement terminée.
     Impossible de parler d'une famille royale dans faire son arbre généalogique, ce qui est chose faite pour les Clayroy des Pèlerins d'Yssel.
     Et pour mieux s'attacher aux nombreux personnages, j'ai aussi mis sur pied un lexique. Ainsi je peux me rappeler du caractère d'un héros sur lequel je n'ai pas écrit depuis longtemps ; je cible les mots récurrents avec lesquels je l'ai décrit pour rester peu ou prou dans le même vocabulaire. ce travail de compilation a été très utile lorsqu'il a fallu que je me rappelle quel œil était vert chez mon chevalier aux yeux vairons. Ce lexique me sert aussi pour me repérer dans mon univers et pour me rappeler ce que j'ai pu oublier sur divers sujet comme la description d'un lieu, les particularités d'une race ou d'un peuple, l'organisation d'une ville et son histoire, les principes et les dogmes des religions, les institutions des différents royaumes, les noms et les attributs des étoiles saintes, et les pures inventions comme des termes de la langues elfique ou les propriétés du métal nommé "elférium". J'espère que mon projet de partager cet imposant "vadémécum" sous forme de livre illustré verra le jour. L'illustrateur Ronnie Bella - que je salue au passage - et moi-même sommes déjà en train d'y réfléchir.

    Ecrire est donc à la fois une affaire d'inspiration, de passion, de patience mais surtout d'organisation : c'est indispensable pour un roman ayant autant d'ampleur que les Pèlerins d'Yssel, par exemple. On m'a souvent fait remarquer la longueur de mes romans (700 pages pour Les Vengeurs) et conseillé de faire plus court, argumentant sur le fait que cela serait plus vendeur. Mais je n'écris pas pour faire du "buziness". Je n'écris pas pour rentrer dans les cases toutes belles et toutes propres de ce que les gens "attendent". Tout conseil est bon à prendre, mais pas celui-ci. J'écris comme je respire, comme j'aime et comme je rêve. Ce que je recherche dans l'écriture, c'est à me faire plaisir et à partager cela avec d'autres. J'ai une imagination débordante, une inspiration prolifique, une approche globale et complexe de mes univers romanesques : pourquoi me retenir si ça plait à certains ? Une œuvre n'est jamais consensuelle, alors pourquoi chercher à tout prix à coller à la "normalité" dans la forme tant dans le fond - et censurer mes scènes érotiques explicites, par exemple ? Pourquoi céder à la soif de "consommation" des lecteurs ? Pour vivre de ses écris ? Je suis jeune auteur, j'ai tout mon temps avant d'être reconnue un jour...

     J'écris depuis que je sais tenir une plume, car je rêvais avant d'avoir su écrire. A six ans je réécrivais avec mes mots et mes fautes d'enfant les contes et les légendes que l'on me racontait. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un don inné. L'astuce, c'est de ne jamais perdre sa capacité à rêver, et d'avoir du courage. Beaucoup de courage ! J'aurais très bien pu abandonner l'écriture - mon rêve d'enfant - et me consacrer à autre chose. 

    A la mort de mon père, lorsque j'avais 13 ans, la lecture de romans fantastiques a été un refuge, une sauvegarde. De même, écrire a été un moyen de survivre et d'exprimer ma douleur. J'écrivais car je ne pouvais ni pleurer, ni saigner. J'ai trouvé écrit chez d'autres auteurs des peurs et des peines sur lesquelles je ne parvenais alors pas à mettre de mots. La structure de certaines histoires m'a permis d'organiser ma vie intérieure psychique et émotionnelle. Certains héros sont même devenus des exemples : s'ils pouvaient surmonter les épreuves qui leur étaient imposées, alors moi aussi. Entre mes 13 et mes 18 ans, je n'avais qu'un but : finir ce premier roman et ne pas me "foutre en l'air" tant que cela n'était pas terminé. Il a fallu que je sois un temps renfermée sur moi-même pour pouvoir m'ouvrir aux autres. Mais n'est-ce pas le propre de l'adolescence et de tout travail intellectuel et psychique ? En organisant cette première œuvre intitulée la Seconde Guerre des Dragons, je me suis construite, j'ai fait le tri en moi-même, transformant astucieusement de lourds fardeaux en héritage brillant. Lorsque j'ai eu assez de courage et d'assises, j'ai fermé les livres et je me suis plongée "dans la vraie vie".
   Aujourd'hui, mon tour est venu d'apporter ma contribution au monument de la Fantasy. Rendre à ma manière ce qui m'a été donné. Ce qui était un refuge et un garde-fou contre mes pulsions de destruction, est maintenant un moyen de transmettre ma force, ma lumière et mon expérience à d'autres. C'est aussi toujours un exutoire, un espace d'expérimentation de tous les possibles ! Peu importe que je devienne célèbre ou riche avec mes écrits : s'ils peuvent inspirer, éclairer et accompagner d'autres personnes dans leurs heures sombres ou heureuses, j'aurai alors rempli ma mission sur terre... Ma plus grande inspiration, c'est vous !

"- Alors, comment tu fais pour écrire ?"
"- Je vis !"

C'est peut-être à cause de l'été...

Lettre à mes personnages de roman :

"Chères créatures, pas plus que dans le monde des bisounours je ne vous ai créés dans l'univers de l'île de la tentation. Je sais que la fin du monde d'Adir est proche et certains d'entre-vous se sentent tiraillés par d’extraordinaires pulsions de vie. C'est bien normal, me direz-vous, c'est humain, ou lunarel, si vous voulez. Mais de là à transformer mon roman médiéval-fantastique en revue X, non merci. Merci de me préserver de cette tare dont sont affligés un trop grand nombre d'auteurs, hélas. Gardez le contrôle de vos hormones afin de me ménager un plus large public de lecteurs. Ne dépensez pas toute votre énergie en de vaines étreintes sulfureuses parce que vous en aurez besoin très prochainement lorsqu'il vous faudra fuir devant le Pèlerin vengeur et les silths démoniaques. Certains d'entre-vous cumulent déjà des addictions à l'alcool et aux bains, cela suffit ! Enfin, sachez qu'il reste encore 3 tomes avant la fin ultime et que si tout se passe bien, chacun aura un petit passage érotique lui étant réservé (pour ceux qui survivent à l'attaque des morroïs seulement) pas la peine donc de faire des pieds et - surtout - des mains pour tous tirer votre coup dans le tome 2.
Merci. Je vous adore et pense bien fort à vous tous et toutes.
 
PS : Pardon pour toutes les tortures et horreurs que je vous inflige, mais c'est pour la bonne cause et le best-seller. Bisous."

Lettre rédigée le 2 Juillet 2012, au moment de la rédaction du tome 2.

mardi 2 octobre 2012

Le dernier (?) combat de Moéva d'Arézar.

Bonjour à toutes et à tous !
Voici un petit extrait pour inaugurer ce blog. J'espère qu'il vous plaira et qu'il vous donnera envie de lire bien plus !

« La clameur des vainqueurs résonnait dans la passe, couvrant les derniers hurlements de combat et d’agonie. Mais la bataille n’était pas terminée. Certains Pillards Pourpres se réunirent pour un ultime acte de bravoure désespérée. Ils assaillirent Moéva de toute part, plantant leurs lance
s dans la chair de Démon-Gris, le fier étalon qui la portait. Le cheval ruait sauvagement pour écarter les ennemis, indifférent aux flèches et aux piques qui le faisaient ressembler à une pelote d’épingles. Il virevoltait sur ses sabots, projetant ses fers à tous les visages. Les tempes, les mâchoires, les épaules explosaient sous sa rage. Secouée, penchée sur l’encolure imbibée de sang, Moéva ne voyait plus rien. Accrochée d’une main à la rude crinière, son autre poing solidement ancré au manche de son épée, elle tailladait à l’aveuglette tout ce qui se dressait au bord de son regard souillé de cendres, de sang et de sueur. Vidé de son sang, Démon-Gris finit par s’écrouler dans la lumière rouge des brasiers. Les hampes des lances craquèrent sous son poids énorme. Comme il entrainait sa cavalière sur le sol, Moéva bondit in extremis de sa selle. Sortant sa dague de sa main gauche, elle tomba sur un pillard et lui ouvrit la gorge pendant que son corps amortissait sa chute. La guerrière eut à peine le temps de se dégager du cadavre que d’autres ennemis fondaient sur elle. Le souffle court, elle roula sur un tas de corps déchiquetés. Elle se releva sur un genou. Poussant un hurlement inhumain, quelqu’un vint s’empaler sur ses deux lames brandies… »

Les Pèlerins d’Yssel : tome 1, les Pécheurs, chapitre 7.

Si vous désirez en savoir plus sur le personnage de Moéva, suivez ce lien !

Merci pour votre lecture !
A très bientôt !